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Les échanges musicaux entre la France et l’Italie, de Saint-Louis à Philippe VI de Valois, suivent le chemin des caisses d’or (et d’ivoire !), des mécènes migrateurs et des papes schismatiques !

Parcourir presque un siècle de musique entre ces deux pays si proches, c’est entendre coexister des idées du passé et du futur, la survivance d’écritures bien plus anciennes et publiées tardivement (Manuscrit de Florence) avec des formes résolument novatrices, complexes et de plus en plus strictement mesurées. Quand en Toscane, on pourra encore perpétuer longtemps la tradition des conduits et des motets chère à l’Ars Antiqua, au point d’en conserver cette copie à Florence, à la Bibliothèque Medicea-Laurenziana, la France, elle, a déjà tourné le dos aux anciens pour développer l’Ars Nova, théorisé dès 1320 par Philippe de Vitry.

L’Ecole de Notre-Dame (1163-1245), c’est, pour aller vite, le dépassement du chant grégorien par la polyphonie. Le « conduit Â» est destiné à accompagner les processions, et c’est dans cette logique que le concert s’ouvre sur le célèbre Beata viscera, un poème semi-liturgique de Philippe Le Chancelier (de l’Université de Paris, créée en 1253) mis en musique par Pérotin. Les exemples suivants sont anonymes, mais tout aussi représentatifs : le rondeau Descende celitus pour le temps de la Pentecôte, très dansant et jubilatoire, et le motet à trois voix sur un même texte, Laudes referat.

Adam de la Halle (c. 1245 - c. 1288) est le premier à s’affranchir du latin pour composer en langue picarde, non seulement une ballade sur un texte sacré, mais aussi tout un éventail de nouveaux genres profanes, parmi lesquels la chanson, le rondeau encore et le jeu-parti, typique d’Arras à l’époque, sorte de joute littéraire où deux poètes confrontent deux points de vue sur un dilemme amoureux posé par le premier. Ils sont départagés ensuite par des « juges Â» de leur choix. Adam d’Arras est aussi l’un des derniers trouvères, à la limite entre monodie et polyphonie. Après ses études à l’Université de Paris où il aurait obtenu le titre de « maître des arts Â», il suivra à partir de 1283 le duc Robert II d’Artois à Naples où il aurait fini ses jours.

Pour faire écho à sa célèbre Chanson du Roi de Sicile, long poème épique consacré à Charles d’Anjou qu’Adam de la Halle a rencontré là-bas, Philippe de Vitry (1291-1361) offre une savoureuse transition (et plus courte !) dans son motet à 4 parties Rex quem metrorum / O canenda. La seconde voix (triplum) développe la louange d’un successeur de Charles, Robert d’Anjou, à travers l’anagramme ROBERTUS distillé dans les premières lettres de chaque ligne, pendant que la première voix (duplum) repose sur une violente diatribe contre un opposant au Roi de Sicile… C’est cette voix que la chanteuse fera entendre, que le public se rassure ! Cet impressionnant motet nous offre un rare modèle de synthèse des genres. L’héritage de l’Ecole de Notre-Dame y est encore très présent, avec ces rythmes simples si caractéristiques (noire-croche), les « hoquets Â» de la dernière section nous transportent dans l’Ars Antiqua (1240-1320), tandis que l’écriture isorythmique appartient déjà à l’Ars Nova qui va suivre. C’est le fait de garder la même équivalence entre les notes d’une mélodie, tout en étirant la ligne, permettant des « commentaires Â» plus complexes et fleuris par-dessus, aux autres voix. Comme un écho sonore à l’apparition de la perspective dans la peinture : la ligne s’étire dans le temps, comme le dessin dans l’espace…

Guillaume de Machaut (1300-1377), natif de Reims et lui aussi passé par l’Italie, excellera dans le motet isorythmique. Mais il est aussi l’auteur de nombreuses ballades et canons absolument poignants, sans doute des « tubes Â» de leur temps, au point d’être abondamment repris dans le Codex Faenza, du nom de cette ville italienne proche de Ravenne. Ce manuscrit copié au début du XVème siècle et rassemblant surtout des pièces pour clavier, présente aussi d’étonnants contrafacta (adaptations) de pièces italiennes et françaises de compositeurs célèbres au siècle précédent, comme Machaut, ou Landini et Jacopo da Bologna.

Ces derniers figurent en bonne place dans le Codex Squarcialupi, manuscrit enluminé qui est la référence pour la musique du « Trecento Â» et qui a longtemps appartenu à la famille Médicis. On y trouve notamment une représentation de Francesco Landini (1325-1397), musicien aveugle, à l’organetto. Une dernière et unique survivance du conduit monodique illustré par un extrait du Codex Rossi (37 Å“uvres profanes conservées à la Bibliothèque apostolique vaticane) est encadrée par deux maîtres du madrigal de l’Ars Nova. Et deux madrigaux assez semblables dans leur conclusion par une ritournelle ternaire. Jacopo da Bologna (1340-1386), grand compositeur de « caccia Â» (chasse) et de mélodies douces, claires et non canoniques, est le seul à avoir mis en musique, au XIVème siècle, un poème de Pétrarque, Non al suo amante, Pétrarque qui rencontra sa chère Laure, à Avignon, en 1327… Lorenzo da Firenze (mort en 1372), lui aussi au panthéon du Codex Squarcialupi, affiche sa parenté avec Machaut en reprenant l’isorythmie, rare dans la musique italienne.

 

Distribution

1 chanteuse mezzo

1 flûte

1 vièle

1 organetto

 


  Amours m'ont

     si doucement
 De l'école de Notre-Dame à l'Ars Nova

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